Organisez les indicateurs de suivi de vos projets d’IA

Cette newsletter est co-écrite par Philippe NIEUWBOURG ( Decideo ), Julien Soulard ( smartcockpit ) et Estelle Riboni-Cordelier ( OXIBI SA )

Ni tableau de bord d’une 2CV, ni cockpit d’un A380, votre outil de suivi des indicateurs de vos projets d’IA doit être organisé. En matière de conduite, il y a une règle : plus l’on va vite, moins on a le temps de regarder de nombreux indicateurs. Le pilote de chasse dispose même d’un affichage tête haute, directement dans son casque, des quelques indicateurs dont il a besoin à chaque moment précis. Etant en phase de combat aérien, mobiliser son attention sur la pression des pneus n’a aucun intérêt, au contraire. Inversement, en phase d’atterrissage, le nombre de munitions restant dans son canon n’est sans doute pas un indicateur vital. La bonne information, au bon moment, c’est ce que doit fournir un tableau de bord, pas plus !

Notre cockpit de suivi des projets d’IA doit lui aussi être adaptable : en fonction de la situation, de ceux qui le consultent, du moment auquel ils le consultent.

  • Adaptable dans son contenu : si je suis en phase d’expression des besoins, de PoC, de test, ou de déploiement, les indicateurs nécessaires seront différents ; leur pondération également.
  • Adaptable dans son objectif : l’angle suivant lequel je vais consulter mon cockpit (suivi du projet, résultats opérationnels, gouvernance, suivi de la conformité…) aura un impact sur le contenu, l’organisation et la présentation de mon cockpit.
  • Adaptable par le profil de la personne qui le consulte : les attentes du chef de projet, du “AI owner” métier, du responsable informatique, du délégué à la protection des données personnelles, du RSSI… sont différentes. Les mêmes indicateurs ne les intéressent pas de la même manière.

Finalement ce n’est pas un cockpit mais plusieurs, composés en fonction de ces trois critères, contenu, objectif et profil, qui devront être proposés. Et c’est la grande différence avec les tableaux de bord de notre 2CV et de notre A380. A partir des mêmes indicateurs, il faut pouvoir les organiser et les présenter différemment ; chacun verra donc le rapport qui correspond à son besoin.  Nous n’allons d’ailleurs pas vous proposer ici de tableaux de bord prêts à l’emploi, conscients que chaque entreprise souhaitera les personnaliser.

Mais ce mois-ci, nous allons commencer par lister quelques grandes catégories d’indicateurs, par grands thèmes. Un peu comme des Lego, nous les combinerons ensuite dans différents tableaux de bord. Cette approche “Build once, use many”, séparant la construction de la base d’indicateurs de leur assemblage sous forme de tableaux de bord, sera la plus efficace pour vous permettre de démarrer le pilotage de vos projets d’IA. « Alpha Foxtrot 1492, piste 22, autorisé au décollage, vent 310 degrés, 8 nœuds » ! Plein gaz pour le décollage !

Avant toute chose, et sans vouloir offenser qui que ce soit, nous nous permettons un petit rappel de sémantique : KPI ? Indicateurs ? Dashboard ? Mais de quoi parle-t-on au juste ?

  • KPI (Key Performance Indicator) : c’est un indicateur stratégique, directement lié à un objectif prioritaire de l’entreprise. Il permet de piloter la performance et prendre des décisions.
  • Indicateur : c’est une mesure spécifique, souvent utilisée pour alimenter ou détailler un KPI. Un KPI peut être constitué de plusieurs indicateurs. Un indicateur est lui-même composé d’une ou plusieurs informations et peut être le résultat d’un calcul, d’une règle de gestion qu’il est d’ailleurs important de documenter.
  • Visualisation : c’est une modalité de présentation de l’indicateur selon les types de décisions à prendre : évaluer un état, suivre une tendance, piloter un avancement un retard, identifier un risque… A cette étape, l’enjeu est de à réduire « le bruit » lié à la surcharge d’informations, afin de vous focaliser sur ce qui nécessite votre attention.

La mise en place de KPI pour la gouvernance de l’IA est une étape stratégique pour toute entreprise souhaitant intégrer l’intelligence artificielle de manière responsable, efficace et durable.

Pour aider à la lecture, nous proposons un tableau regroupant cinq grandes catégories de KPI, chacun répondant à un objectif clé.

  • D’abord, les KPI d’efficacité permettent de vérifier que l’IA fonctionne correctement, en mesurant sa précision, sa rapidité et sa capacité à traiter les tâches attendues.
  • Ensuite, les KPI d’adoption et de culture IA sont essentiels pour s’assurer que les outils déployés sont bien utilisés par les équipes, et que les collaborateurs sont formés et engagés dans cette transformation.
  • Les KPI de conformité et de sécurité permettent quant à eux de s’assurer que l’usage de l’IA respecte les lois, et qu’il n’expose pas l’entreprise à des risques juridiques ou techniques.
  • Viennent ensuite les KPI d’impact business, qui mesurent le retour sur investissement des projets IA, à travers des gains de productivité, d’économies ou d’augmentation du chiffre d’affaires.
  • Enfin, les KPI de transparence et d’éthique aident à garantir que l’IA prend des décisions justes, compréhensibles et alignées avec les valeurs de l’entreprise.
Contenu de l’article

Pour les dirigeants de PME, il est important de ne pas chercher à tout mesurer dès le départ. Mieux vaut choisir quelques indicateurs prioritaires, en lien direct avec vos objectifs concrets (ex. améliorer le service client, réduire les erreurs, gagner du temps). La clé est de mettre en place un suivi régulier, simple et visuel (un tableau de bord mensuel suffit souvent), et d’impliquer les équipes concernées dans la définition des indicateurs. Un bon KPI doit être compréhensible, mesurable, actionnable, et adapté à votre contexte. Attention également à ne pas vous appuyer uniquement sur des chiffres techniques : l’impact humain, l’éthique et la confiance doivent aussi être mesurés. Un KPI peut aussi être qualitatif, à condition que la règle de son calcul soit documentée et appliquée d’une période à l’autre. Enfin, gardez à l’esprit qu’un bon système de gouvernance repose sur l’amélioration continue. Les KPI ne sont pas figés : ils doivent évoluer avec vos usages de l’IA, vos enjeux, et les retours du terrain… sans pour autant changer tous les mois, car cela empêcherait l’analyse tendancielle.

Dans un prochain article, nous développerons la question de l’utilisabilité de ces informations, et notamment la notion de “partage par défaut” pour faciliter une gouvernance en transparence et basée sur l’intelligence collective (le non-partage devient ainsi l’exception).