Cet article est co-écrit par Philippe NIEUWBOURG ( Decideo ), Julien Soulard ( smartcockpit ) et Estelle Riboni-Cordelier ( OXIBI SA )
Lundi 6 juin 2025. Bistrot « El Maestro », à Fribourg. (L’histoire ne dit pas si nous sommes en Suisse ou en Moselle.) Il est midi — ou plutôt 12h10.
Marc attend à une table en terrasse. Aline arrive, l’air pressée, son sac à l’épaule.
— Salut Marc, dit-elle en posant son téléphone sur la table. Je ne vais pas pouvoir traîner, je dois rendre un rapport pour ce soir.
Marc la regarde, surpris par son air tendu.
— Aucun souci… Mais qu’est-ce qu’il t’arrive ?
— Je dois finir le rapport semestriel sur les projets IA et Data Gov. Il faut que je mette à jour tous les KPI, les KRI, l’avancement des projets, les risques identifiés, les mesures… Bref, tout ! Et je craque. Il y a une quantité absurde d’infos à récupérer, les gens ne répondent pas, il faut les relancer quinze fois. Ils n’en voient pas l’intérêt, je ne suis pas leur priorité. Et je fais tout ça à la main, dans un fichier Excel. Même avec toute la bonne volonté du monde, il y a toujours des erreurs. Franchement, à chaque semestre, c’est pire. J’ai juste envie de tout envoyer balader !
— Oh ma pauvre… je vois exactement ce que tu veux dire. C’était pareil chez nous il y a six mois. Mais depuis décembre, je revis. On a changé complètement de méthode.
Aline l’interrompt, intriguée :
— Attends, vous avez fait quoi ?
— Tout a commencé quand le directeur a demandé les chiffres en urgence. Impossible de les sortir en moins de dix jours. En fouillant un peu, on a découvert que chacun gardait ses données dans son coin, sur des fichiers Excel, et qu’on ne les partageait que lorsqu’on y était contraints. Du coup, ils ont décidé de tout revoir. On a mis en place une politique de partage de la donnée. C’est devenu la règle de base.
— La chance… Chez nous, tout le monde dit qu’il partage. En réalité, j’ai accès à 25 fichiers différents, avec des doublons, des formats incohérents… Je passe un temps fou à chercher la bonne info, parfois même, je ne sais pas si c’est à jour. Et chez vous, concrètement, vous avez mis quoi en place ? Si c’est pas classé secret-défense…
— Le principe, c’est : “build once, use many”. L’idée, c’est de casser les silos. Dès qu’un indicateur est créé, il est partagé automatiquement avec ceux qui en ont besoin via un outil de pilotage.
Aline se redresse, pleine d’espoir.
— C’est exactement ce qu’il nous faudrait ! Ça me changerait la vie. Et celle des autres équipes aussi.
— Attends, ce n’est pas tout. Chacun peut avoir sa propre vue. Le PMO a ses indicateurs, et moi, en tant que responsable sécurité IT, j’ai les miens. Je vois les risques sur les systèmes, mais j’ai aussi des données projet qui me permettent d’anticiper ce qui va arriver côté sécurité.
— Mouais… En gros, vous balancez tout ça dans un Power BI ou un Tableau ? On a essayé, ça n’a rien simplifié.
— Non, justement. Ce n’est pas qu’un outil de dataviz. C’est un vrai système, où les données sont centralisées et intégrées. On ne part plus à la chasse aux fichiers Excel. Et les métiers se sont vraiment investis. Ils ont compris que toutes ces questions pénibles sur les risques, ça les aidait en fait à mieux gérer leur activité.
— Jamais les nôtres ne s’investiraient comme ça…
— Tu crois ? Chez nous aussi, on était sceptiques. Mais on a été accompagnés. Un expert nous a expliqué la notion de « maîtrise d’activité ». Ce n’est pas juste suivre des KPI de performance. Il faut aussi suivre la conformité, la sécurité, les risques… Et aujourd’hui, on a même des indicateurs sur la culture data et l’adoption de l’IA. Les managers ont compris qu’il fallait que leurs équipes aient certaines bases pour éviter les erreurs, les fuites de données, tout ça.
— Wow… Là tu me perds un peu. On dirait une centrale nucléaire ton truc !
— Pas du tout. Ce n’est pas un système gigantesque qu’on a imposé à tout le monde. Le cockpit s’est construit progressivement, en partant des besoins réels de chaque équipe. On a d’abord identifié les indicateurs vraiment utiles. Ils m’ont demandé : “quelles infos sont essentielles pour ton job ?” On a trié entre ce qui était prioritaire et ce qui ne l’était pas. Puis on a posé une vraie politique de partage : les indicateurs sont partageables par défaut, et le non-partage doit être l’exception — mais c’est toujours le propriétaire de l’indicateur qui définit avec qui et comment il le partage. En fait, le truc c’est que c’est plus compliqué de ne pas partager que de partager… contrairement à avant. Bien sûr, un métier peut dire que tel ou tel indicateur doit rester confidentiel, et ne pas le partager, mais il doit le déclarer, et justifier. Du coup, comme par hasard… presque toutes les données sont maintenant partagées !
— Ah d’accord, donc ce n’est pas du partage automatique.
— Exactement. Et c’est là qu’entre en jeu le principe “build once, use many”. Chaque indicateur est conçu une fois, avec les bons critères, puis peut être utilisé par d’autres. Mais attention : chacun accède uniquement à la vue dont il a besoin. Le PMO a ses propres tableaux, la sécurité les siens, les métiers aussi… Et ce changement, ça a tout débloqué. Les métiers ne subissent plus les indicateurs, ils s’en servent vraiment. Ça leur permet de mieux maîtriser leur activité, pas seulement en suivant des KPI de performance, mais aussi en intégrant la conformité, la sécurité, les risques… C’est une autre façon de piloter.
Marc, heureux d’expliquer son nouveau quotidien à son amie, continue tout enjoué.
— Les métiers ne subissent plus les indicateurs, ils s’en servent vraiment. Ça leur permet de mieux maîtriser leur activité, pas seulement en suivant des KPI de performance, mais aussi en intégrant la conformité, la sécurité, les risques… C’est une autre façon de piloter. Et tu vois, ça change aussi complètement la manière dont moi je bosse au quotidien.
— Ah bon ? Comment ça ?
— Ben par exemple, maintenant, j’ai plusieurs vues selon le contexte… Si j’ai un incident sur un système, je regarde un certain jeu d’indicateurs. Si je prépare le rapport semestriel, j’en consulte d’autres. Avant, je bricolais tout ça à la main dans des fichiers, c’était chronophage et risqué. Franchement, on a lancé le truc il y a à peine six mois, et j’ai déjà gagné trois ou quatre jours sur le rapport. Mais surtout, je suis beaucoup plus serein quand un incident tombe : je sais où aller, quoi regarder, et je peux agir vite.
Aline le fixe, bluffée.
— Tu me vends du rêve, là… Trois jours de gagnés et la tête plus légère, c’est exactement ce qu’il me faudrait. Chez nous, rien n’est clair, je passe mon temps à recouper des trucs qui ne devraient pas dépendre de moi. Tu pourrais vraiment me filer un contact ? Que je voie s’il y a moyen de faire bouger les choses…
— Dis-leur juste ça : “Le partage de la donnée doit être la règle. Le non-partage, l’exception.” C’est plus qu’un simple slogan : c’est une façon de reprendre le contrôle, sans alourdir le quotidien. Tu verras, ça peut vraiment changer la donne.
— Je suis trop emballée. Il faudra qu’on se refasse un lunch, je veux tous les détails.
— Je t’envoie un mail avec les coordonnées de l’équipe qui nous a aidés. Et en attendant… je mangerai ton dessert.
Ils éclatent de rire.

